
À première vue, la silhouette qui traverse la rue ne raconte rien. Mais chaque détail, coupe de cheveux, posture, vêtements, prénom choisi, révèle une part de cette mosaïque intime qu’est l’expression de genre. Derrière elle, aucune règle universelle, seulement des trajectoires personnelles, parfois assumées, parfois camouflées, toujours signifiantes.
Les codes associés au masculin, au féminin, ou à tout ce qui se situe entre les deux, fluctuent d’une époque à l’autre, d’un pays à l’autre. Impossible de saisir la pluralité des expériences en se fiant aux stéréotypes : le regard porté sur ces expressions change au fil du temps et selon la culture. Ce qui était transgressif hier devient courant aujourd’hui, et inversement. Les réactions sociales oscillent, dessinant un paysage mouvant où chaque histoire compte.
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Plan de l'article
Comprendre la différence entre identité de genre et expression de genre
Beaucoup continuent de confondre identité de genre et expression de genre, y compris là où l’on s’y attend le moins. Pourtant, la ligne de démarcation existe bel et bien. L’identité de genre relève de l’ordre du ressenti : elle désigne comment chacun·e se perçoit, que ce soit comme homme, femme, ni l’un ni l’autre, ou ailleurs sur le spectre. À l’inverse, l’expression de genre s’affiche dans le quotidien : choix vestimentaires, coupe de cheveux, manière de bouger, prénom utilisé, pronoms choisis. C’est ce que le monde voit, sans que cela permette de deviner l’intime.
La société a souvent tendance à tout mélanger : genre assigné à la naissance, identité ressentie et expression visible. Prenons le cas d’un enfant désigné garçon à la naissance, mais qui aime porter des vêtements considérés comme féminins : rien ne dit si cet enfant se sent garçon, fille, ou autre. Seul l’intéressé peut le savoir. Les chemins sont multiples, loin des cases toutes faites :
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- cisgenre : l’identité correspond au sexe assigné à la naissance ;
- transgenre : l’identité diffère du sexe assigné ;
- genderqueer, genre fluide, androgyne, agenre : identités qui échappent au binaire.
La France, comme le Canada, voit émerger sur la place publique des identités non-binaires et des modes d’expression pluriels. Ce bouillonnement interroge le vieux modèle du genre binaire. Des personnes réclament l’utilisation de pronoms neutres, certaines amorcent une transition sociale ou médicale, d’autres non. La dysphorie de genre n’est pas systématique : il est possible d’exprimer un genre différent sans ressentir de malaise ni vouloir modifier quoi que ce soit.
Identité et expression de genre s’entrecroisent, mais ne se recouvrent jamais totalement. Savoir faire la différence, c’est refuser de résumer un individu à ce que l’on croit percevoir ou à une mention sur un papier d’état civil.
Quels exemples concrets d’expression de genre observe-t-on au quotidien ?
Dans les rues de Paris, Montréal ou ailleurs, l’expression de genre ne se cantonne plus à une poignée de codes figés. On la retrouve dans les détails qui échappent parfois au regard pressé : une coupe de cheveux qui brouille les repères, un manteau large enjambant une robe, un maquillage accentué porté sans égard au sexe assigné, l’emploi de pronoms qui cassent la logique binaire. L’habit, autrefois marqueur sans appel, devient terrain d’invention et d’affirmation.
Voici quelques exemples concrets, bien loin des clichés habituels :
- superposer jupe et pantalon, jouer avec les volumes et les matières ;
- adopter la chemise à fleurs, autrefois réservée à un genre précis, et brouiller les pistes ;
- associer baskets colorées, bijoux mixtes et accessoires sans étiquette de genre.
La voix et la gestuelle participent aussi à cette affirmation. Certains modulent volontairement leur voix, d’autres assument un ton ou une démarche hors des attentes sociales. Au travail, le choix d’un nom d’usage devient une façon de signifier une identité, tandis qu’il arrive que des personnes gardent leur prénom d’origine tout en modifiant radicalement leur présentation.
La non-conformité de genre, c’est aussi une infinité de subtilités : on peut remarquer une barbe entretenue chez une personne assignée femme à la naissance, un visage sans maquillage là où on l’attendrait, des ongles colorés sans souci du sexe indiqué sur la carte d’identité. Que l’on soit au Canada ou en Europe, ces situations témoignent de la diversité des parcours et des façons de se montrer au monde. L’expression de genre s’impose alors comme un acte de présence, parfois de défi, souvent de liberté retrouvée.
Pourquoi valoriser la diversité de genre favorise l’inclusion et le respect de chacun
Reconnaître la diversité de genre ouvre la voie à un vivre-ensemble plus respectueux. En admettant la multiplicité des identités de genre et des expressions de genre, les institutions et la société créent les conditions du bien-être pour chacun. Le rapport de la Commission des droits de la personne du Québec est sans détour : la discrimination liée à l’expression ou à l’identité de genre a des conséquences lourdes sur la santé mentale et la sécurité des personnes concernées.
On ne mesure jamais assez le poids du rejet, qu’il vienne de la famille ou de l’école, sur la trajectoire d’une personne dont l’expression de genre sort des normes. Les actes hostiles nourrissent l’angoisse, la peur, la honte, et coupent bien souvent les ailes du sentiment d’exister librement. L’accueil, au contraire, brise l’isolement, restaure la confiance et permet d’ouvrir un espace de dialogue plus sain, loin des stéréotypes.
Les enquêtes menées à New York et au Canada le confirment : donner une place à la diversité des genres, la reconnaître socialement et juridiquement, diminue les discriminations. Respecter les pronoms, rendre visible les parcours trans, genderqueer ou bispirituels, ce n’est pas un détail. Chaque geste, chaque mot qui valide une identité contribue à rendre le climat plus respirable, pour tous, quelle que soit l’orientation sexuelle ou l’expression choisie.
Ce n’est pas un simple débat d’idées. C’est la possibilité, pour chacun, de marcher dans la rue sans crainte, d’être nommé correctement, de tracer sa route hors des rails imposés. Et ce n’est qu’à ce prix que la société pourra refléter la richesse de celles et ceux qui la composent.